Crise de l’assurance : les sénateurs veulent faire bouger les lignes.

DÉCRYPTAGE.
Dans le cadre de la discussion du projet de loi Pacte, deux amendements viennent tenter d’apporter des solutions à la crise que traverse le secteur de l’assurance-construction. Le ministère de l’Économie, contacté par Batiactu, nous en dit plus.
Dans le cadre des discussions sur le projet de loi Pacte en première lecture au Sénat, deux amendements tentent d’apporter des solutions à la crise que traverse l’assurance-construction. Un premier texte, adopté par les sénateurs, concerne les assureurs construction intervenant depuis un pays n’appartenant pas à l’espace économique européen (EEE) – donc n’intervenant pas en libre prestation de services (LPS). Il prévoit que ces sociétés doivent obtenir un agrément de l’ACPR avant d’entrer en activité, spécifiquement pour la dommages-ouvrage et la décennale. Les sénateurs espèrent ainsi limiter la casse, alors que les témoignages d’entreprises, particuliers touchés par la crise de l’assurance-construction affluent dans la presse (dont sur Batiactu, voir encadré ci-dessous).

« De nombreux foyers se retrouvent sans indemnisation malgré les malfaçons »
« De nombreux foyers se retrouvent sans indemnisation malgré les malfaçons de leur logement, neuf ou rénové », notent les sénateurs.
« En attendant une solution européenne, cet amendement propose de durcir les conditions d’exercice des assureurs étrangers hors espace économique européen (EEE) en soumettant leurs activités en matière d’assurance construction au contrôle de l’ACPR. »

Ce texte, s’il entrait en vigueur, pourrait-il changer la donne et sécuriser les clients français ? Pour le cabinet du ministre de l’Economie Bruno Le Maire, contacté par Batiactu, ce texte ne changera rien.
« C’est un amendement dysfonctionnel », nous explique-t-on. « Il vise à imposer l’obtention d’un agrément auprès de l’ACPR pour les assureurs étrangers hors-espace économique européen,
mais cette obligation est déjà prévue par le code des assurances : les succursales de sociétés établies dans un pays tiers doivent déjà être agréées par l’ACPR. »
Quant à renforcer les critères de la LPS unilatéralement, c’est « impossible », nous précise Bercy ; cela ne peut-être le résultat que d’un accord au niveau de l’Union européenne.

« Force est de constater qu’un tel amendement en l’état n’aurait strictement rien changé aux défaillances observées en assurance construction, qui ont été le fait d’acteurs européens », rappelle de son côté Christian Bellissen,
lui-même assureur en LPS et fin connaisseur du dossier. « Même le néo-zélandais CBL a toujours agi d’abord en réassurance d’un assureur européen (Alpha puis Elite) puis via sa filiale en Irlande. »

Moraliser l’activité des courtiers
Toutefois, un levier pourrait être en passe d’être activé en France : un amendement qui sera en discussion cette semaine, toujours dans le cadre des discussions au Sénat sur le projet de loi Pacte,
visera à moraliser les activités des courtiers en assurance en encadrant davantage leur activité. « Le but est notamment d’éviter que des courtiers peu scrupuleux vendent des produits sous-tarifés,
provenant d’acteurs n’ayant pas assez provisionné », nous explique Bercy.

Ce texte prévoit de créer des associations professionnelles pour les courtiers en assurance et les intermédiaires en courtage d’assurances et en opérations de banque et services de paiement (IOBSP).
L’adhésion serait obligatoire, et ces organismes seraient agréés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
L’idée serait, pour les sénateurs ayant déposé cet amendement (pas encore adopté, donc), de « créer une capacité d’autorégulation de ces professions tout en permettant à l’Autorité de mieux cibler ses contrôles ».
Ces organisations disposeraient d’un pouvoir disciplinaire.

Peut-être de quoi endiguer, au moins en partie, la crise, alors qu’aucune solution concrète n’a pour l’instant été trouvée pour mieux réguler ce secteur.
« Il faut aller vite, car le ver est dans la pomme », avait pourtant alerté Bertrand de Surmont, président de la Chambre syndicale des courtiers d’assurance (CSCA), en septembre 2018.
(Source : Batiactu).